L'Inbound Marketing figure du soft ou smart power dans le business (24 avril 2014)
Proposé par Joseph Nye[1] en 1990 dans le domaine des relations internationales, le Soft Power s'oppose au Hard Power, qui lui s'inscrivait jusqu'à 1991, dans un monde bipolaire, se résumant, pour le dire rapidement, à une confrontation Est - Ouest souvent directe ou indirecte; la logique de dissuasion et la stratégie de tension jouant le chaud et le froid prédominait. Cette ère du Hard Power était l'occasion de multiples chantages, menaces, qui, ressources économiques, militaires... aidants, pouvaient tenter d'imposer ou du moins modeler une certaine vision du monde via la coercition.
Au delà des armes létales, il en est d'autres qui peuvent être redoutables, ce sont les armes culturelles (industries, productions artistiques,) ou des valeurs sociétales, des styles de vies...influencent et vascularisent des sociétés entières ou certaines strates, engendrant de nouvelles élites... Il s'agit d'un cette fois d'un Soft Power d'un "pouvoir doux" signifiant en quelque sorte une alternative, un dépassement de la logique de confrontation et de coercition. Naturellement un impérialisme culturel et économique peut être violent et déséquilibré ou au contraire on peut considérer l'autre comme un partenaire, un co - producteur de la réussite de chacun, sans le faire pourtant renoncer à tous et à se livrer corps et âme à l'autre. Engagement, consentement, régulation, négociation sont des termes clés. Chaque partie est condamnée à devenir intelligente : un Soft Power orienté Smart Power
Par analogie audacieuse, on peut assimiler l'Inbound Marketing à ce Soft Power qui permet de dépasser les antiennes traditionnelles du Marketing dans leurs postures intrusives quelque peu "dépassées" et qualifiable de Hard Power.
Le réinvestissement des "Terres Marketing" par l'humain et pour l'humain (H2H) avec des logiques relationnelles, expérientielles clients qui rééquilibrnt ou dépassent les rapports de forces (émetteurs / marques – récepteurs / clients) au profit de rapport de flux et de confiance pour aboutir "éventuellement"(!) à un rapport transactionnel (rien n'est jamais acquis ni moins sûr), consacre l'Inbound comme un ferment privilégié de l'engagement consenti et orienté vers une forme d'empathie.
L'ère de l’émetteur (marque, vendeur…) agressif, envahissant et limite "lourd" est (devrait être) plutôt derrière nous (quand je vois certains matraquages publicitaires vidéos en ligne, j’ai des doutes).
Plutôt que de s’adonner à des coups, des one shots courts termistes (même si dans une logique événementielle ou au vu de certains objectifs cela peut s’avérer pertinent), l’alimentation en flux continu, régulier, pertinent (content nurturing) doit s'inscrire dans une logique de propagation et d'irrigation du client.
2 images familières me viennent à l’esprit pour illustrer cette intelligence du nurturing telle qu'elle peut être conçue.
• La percolation ou le passage d'un fluide à travers un milieu plus ou moins perméable (observez comment l’eau se propage dans une poudre, du sucre blanc par exemple)
• L’infusion ou l’extraction des principes actifs et/ou des "arômes" (l’expertise, le fond et la forme de vos contenus) par dissolution dans un liquide initialement bouillant (le client monté en température par l’ensemble des initiatives, actions, échanges, interactions que vous avez initié à son endroit) que l'on laisse refroidir ou infusé (faites vous donc un thé dans une tasse transparente et observez le précipité)
Preuve si il en est que les milieux sont poreux et que la logique binaire des marketers d’un côté et des clients de l’autre est quelque peu artificielle, les uns se nourrissent des autres et inversement.
Pour continuer à filer la métaphore,
• certains parlent « d’élevage » des prospects pour les transformer en lead (le client n’est pas un poulet en batterie et l'image est d'ailleurs contre intuitive eu égard à ce qu'est la démarche Inbound
• d’autres font appellent à l'image plus soft de l'homéopathie (vs allopathique d'un marketing plus agressif)
• les anglo saxons parlent aussi de goutte à goutte (drip and drop) pour décrire la logique d’un nurturing plus soft mais surtout qui s'inscrit dans le temps long et suggère que le substrat nutritif administré (contenus) est riche et équilibré pour une croissance (une relation) durable.
• on pourrait rajouter la nutrition par capillarité et la dimension réticulaire du rhizome (tout le monde a déjà vu la racine d’une fougère…)
Ce que je veux dire par là est que j’observe que certains sous prétexte de penser avoir flairé le dernier filon ou le buzzword à la mode , s’empare de la sémantique Inbound sans en adopter l’esprit, la logique profonde la vision au profit d’une pratique seulement instrumentale et centrée outil qui les font revenir en fin de compte à un marketing, disons classique.
Si à l’instar de ce qui a pu se faire avec les réseaux sociaux (ce que devient par exemple Facebook peut interroger) le marketer "détourne" l'ADN originel de ces espaces sans précautions sans en saisir l'esprit des lieux et des conversations et se contente de « percuter » sans vergogne l’internaute, le client, en falsifiant l'Inbound au profit de vieux réflexes marketing 0.0 ou 1.0 alors oui des déconvenues sont à prévoir.
L'Inbound marketing est donc un projet en construction perpétuel, qui même si il nécessite de savoir où vous aller, avec des macro objectifs des orientations, ne peut se laisser enfermer dans une pensée en silos, dans des plans marketing par trop fermés qui veulent tout prévoir mais dont les résultats sont rarement conformes à la réalité et à la prévision. Donc plutôt une roadmap adaptative, agile qu'un plan.
Naturellement même si on se veut "agile native" ou "agile migrant" on ne peut écarter l'aspect programmatique d'un revers de main car il rassure, qui ses supérieurs, qui ses clients b2b, qui certains encore accrochés à l'ancien monde...
Et puis plus en terme de contenu, compte tenu de la nécessaire adaptation aux centres d'intérêt du moment, malgré quelques invariants, la planification éditoriale ou plutôt la "mapification' demeure incontournable mais en gardant à l'esprit que l'horizon se raccourcit et qu'il n'est plus l'année mais peut être le trimestre, le mois, la quinzaine voire parfois moins.
Les grands plans Marketing prévisionnels traditionnels sont souvent bâtis sur des hypothèses et des prédictions discutables puisque la plupart raisonnent, comme les économistes, "ceteris paribus" (toutes choses égales par ailleurs). Bref prolonger une tendance où supposer linéairement ou presque que ce qui fût hier sera demain, incrémenter d'un certain gradient est certes une hypothèse mais une parmi d’autres.
La démarche planificatrice par excès, revient à ignorer :
- Le chemin entre l'objectif et le but (le "marketer journey" en somme)
- La dimension de serendipité (qui pourtant est familière par exemple dans le domaine de l'innovation qui peut féconder et faire germer de nouvelles idées, thèmes innovants...)
- La part d'aléas, d'imprévus, de variations soudaines et chaotiques des comportements...(management, marchés, situation de crises, Internautes,...) qui est tout de même le régime de croisière notamment hors marketing dans nos sociétés contemporaines…
De ce point de vue la notion d’agilité incarnée dans divers domaines par des méthodes «apprenantes», itératives de type Lean (Inbound et Lean Marketing sont liés) et de projet (type Scrum) sont bien révélatrices de la nécessité d’évoluer.
Rappelons une fois encore qu'en marketing et qui plus est dans l'Inbound Marketing, nous traitons de l'humain avant que de traiter de datas, qu'il existe une part d'inconnaissable, de moins saisissable, plus intangible, plus qualitatif en terme de perceptions, représentations, comportements prospects / clients, "in-enfermables" dans des softwares analytics et autres solutions d'automation, qui ne sont que des outils de simplexité et non des "graals universels.
16:39 Écrit par Denis Henri Failly | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inbound marketing, soft power marketing | | Facebook | | | Imprimer | |