L'approche 2.0 comme prélude ou prétexte à un "Self Marketing" (04 mai 2007)

Résumé : Le paradigme 2.0 , qui n'est ni clôt ni définitif, facilite la prise de pouvoir de l'internaute - client, objet des convoitises des marketers.
Prétendre faire du marketing comme hier être une grave erreur puisque la donne change et bouleverse (ce n'est qu'un début) les contours même des objets, sujets traités habituellement par le Marketing (qu'est ce qu'un client, un marché aujourd'hui) bref nous pensons que des "Individus Marques" des "Me Brands" self marketer d'eux même pour eux même et leurs pairs vont monter en puissance et obligeront de plus en plus le Marketing à s'interroger sur son sens, ses valeurs et sa raison d'être.
Nous parlons d'un Marketing avec un grand M englobant toutes les variantes et disciplines connexes.


§§§§§§§§§§§§§§§§§§
  • Prémisses

Démocratie participative, démocratie cognitive, logique "bottom up", co -production et auto production de contenus, de valeurs, autant d'alters logiques en marchent, qui bousculent ou basculent un certain nombre de modèles considérés comme acquis notamment dans la relation Marques consommateurs
Loin des mécaniques Marketing et techniques classiques, des visions Web simplement technologiques, des promesses prométhéennes d'un salut dans l'hyper consommation, nous voilà nous autres décideurs, marketers, conseils.recadrés par cette 
« révolte du pronétariat » dont nous parle Joël De Rosnay et fomentée par les internautes et les citoyens eux-mêmes.
Par delà les usages dits Web2.0 se dessinent des postures, des attitudes, des comportements qui irriguent peu à peu le tissu virtuel du Web mais commencent aussi à déborder dans la vie réelle (le "5ème pouvoir") quand ce n'est pas l'inverse qui se produit (modèle de don et contre don, troc, nouvelles solidarités, proximités et actions locales, avec continuités webosphériques...).
Beaucoup de structures, marques, prestataires demeurent autistes et continuent à faire comme si de rien n'était ou agissent à la marge, aveuglés par leurs propres certitudes d'invulnérabilité.
Si le marketing se meurt ceux qui font ce marketing sont donc en sursis...


  • Et le self marketing sera...

Un self marketing est en gestation, chacun détient pas sa présence virtuelle, ses actes, ses écrits ses productions diverses (les « Proams » ou amateurs professionnels) la possibilité d'être son propre ambassadeur, acteur de sa propre vie en maitrisant ses discours, ses promesses (mon identité, mes compétences et savoirs faire, mes ressources, mes liens, mes contacts...)
Nombreux sont les outils et plateformes permettant de gérer son identité, sa présence numérique, ses données, sa réputation et d'être enfin sa propre marque.
D'habiles stratégies de communication personnelles, de tactiques connectives deviennent alors possibles pour faire savoir son savoir faire et savoir être.
Auto buzz, auto référencement, cross linking, essaimage ou focalisation de ses productions de ses contacts de ses réseaux sont autant de façon de se positionner et de s'inventer voir ré-inventer sur Internet.
Demain comme consommateur j'aurais le choix entre co-produire et répondre à mes désirs mes besoins...seul ou à plusieurs en sortant du système top -->down" actuel, je pourrais aussi négocier les données qu'une marque souhaite avoir sur moi non pas en cadeau et autres avantages mais en argent avec un prix de cession de mes données.

Nous passons d'une logique de marketing de l'individu (« indivisible », tel l'atome insécable de Démocrite») à une logique de marketing de la personne (du latin « Personna » qui correspondait aux multiples masques -rôle ?- des acteurs antiques) inapte à capter un client insaisissable dans quelques données quantitatives et simplistes.
Le défi serait «d'embrasser » dans toutes sa multi- dimensionnalité ce fameux client aux « génotype » partiellement appréhendable et au "phénotype" introuvable.
Ce qui revient à dire plus simplement que les outils d'études et d'observations (type quanti : Crm, datamining...) atteignent leurs limites et même si ils ne sont utilisés que pour ce qu'ils sont, ils demeurent des discours quasi holistes, universalisants voire systématiques quant aux miracles que pourraient accomplir ces solutions.

-La 
segmentation (réduction/ dijonction vs reliance/conjonction) a-t-elle encore un sens ?
-Le 
H to H (Human to Human) n'a jamais été autant d'actualité et qui peut incarner un marketing "incarné" mieux que le client incarné ?
-Les positions, transitions, avatars, prises de parole, capacités d'agir, les multi-vies, qu'elles soient réelles simulées et/ou virtuelles (cf 2nde life et autres outils synchrones de communication types messengers...) ne font que renforcer l'obsolescence de certaines pratiques unilatérales, top --->down en marketing.

  • Vers un « auto, un self -branding »

L'heure est à s'inventer soi même que ce soit pour :
- Créer, promouvoir, son activité, ses contenus, son propre emploi, sa notoriété, son image, sa réputation
- Etre fin, moyen, chaînon de sa propre chaîne de valeur, potentiellement co-partageable
- Créer des savoirs et des concepts dynamiques, innovants intégrant le « complexe » loin des savoirs sédimentés, figés (« morts ») encore trop souvent enseignés dans les formations traditionnelles ou diffusés par des médias conformistes ou auto-répliquant.
- Etre sa propre marque ("Being Brand", "Me Brand") sa propre promesse, construire sa prise de parole et sa légitimité sur le Net et par contre coup, ailleurs (l'un nourrissant l'autre et inversement) et la livrer aux suggestions, remarques, critiques, jugements de ses pairs ou de cibles élargies.
- La gestation en cours d'open ID (identifiant universel sur le Web)...est une modalité technique et pratique de gestion, d'encapsulation et de déploiement de son identité, de sa traçabilité et de sa présence sur le web mais elle n'est pas suffisante, car à l'instar d'une marque qui n'aurait rien à dire et dont l'image s'étiolerait, l'internaute porteur de sa propre marque identité, ne pourra pas être spectateur passif de sa propre existence virtuelle et devra constamment se renouveler afin de rester audible et crédible.

  • Individualisation versus individuation

Pour comprendre cette notion de Self marketing et d' « auto branding » il faut avoir aussi conscience de la différence entre individualisation et individuation
- L'individualisation est l'apanage classique du marketing direct, du One to One (mythe ou réalité ?) et fleure bon l'aspect programmatique des sempiternels programmes de fidélisation et autres courses à la prime, et pseudo personnalisation.
Le prédictif (scoring et modélisation à la Kohonen et autres réseaux neuronaux) sont inaptes à intégrer :
- le complexe, l'incertitude (au-delà des marges classiques) ,les transitions de phases dans les moments de vie (évènements heureux ou accidents de vie) d'un client.
L'individualisme est inscrit dans une logique binaire Moi ou la collectivité

- L'individuation elle impose la distanciation et la différenciation entre sujet client et objet client, elle inscrit le sujet comme à la fois individu (le local) et/avec la collectivité, la communauté (le global) tout est dans le flux, la navette négocié et "interactivée" entre les divers niveaux d'observation (études) et d'actions (marketing opérationnel)

  • Un marketing chemin faisant

Je pense que nous nous orientons vers un marketing qui s'auto construit "chemin faisant", loin des programmes et autres tentatives planificatrices, il y a quelque chose de quantique, de chaotique dans cette vision car elle suppose que plus rien n'est prévisible (en dehors du probable), projetable, et toutes actions inutiles (CQFD).

  • Plasticité du système Marketing client

Rien n'est plus donné tout est construit, négociable et l'humeur vagabonde d'un client qui s'affranchi, laisse perplexe quand au raison d'être de nombreuses actions marketing.
Nous pensons avec qu'il s'agit aussi moins d'apprendre SUR le client que DU client, une logique "Knowledge Marketing" plus amont (voir les
travaux d'Oleg curbatov)  qui change tout, puisque le client devient non plus seul fin mais générateur, processus, initiateur amont et producteur.
Nombres d'acteurs protègent encore leurs plates-bandes en déshérence progressive et à l'instar des douloureuses mutations de l'économie française dans son passage de l'ère industrielle à l'ère des services, nombre de secteurs, métiers, fonctions,.. (dont les productions sont notamment dématérialisables...) vont avoir à se revisiter (démarche épistémologique) se repositionner, se transformer, (désintermédiation , ré-intermédiation,...) bref eux aussi devront se réinventer.

Plus loin encore pour dire la déflagration possible, nous pensons que la notion même d'Entreprise comme unité de « collaborants » , d'espace, de temps...explosera à terme au profit de champs collaboratifs inter-reliés, chacun pourra être, entre autre chose, son propre marketer hypermobile que ce soit pour vendre un projet, chercher un emploi, et adopter des stratégies adaptatives diverses (professionnelles et parfois privées).

  • Tous noéticiens...?!

On comprend l'impérieuse urgence de revisite du marketing (nouveau marketing ou renouveau ?) mais cela va bien au delà.
A l'âge de la
Noosphère devenons Noéticiens loin des discours et méthodes « en boîte », réapprenons à penser et réfléchir compte tenu du paradigme du complexe, du transversal, des phénomènes communautaires, intégrons la dimension sociétale (Bernard Cova parlait déjà de « Societing » il y a plus de 10 ans ) nous n'échapperons pas au-delà d'un nouveau nom pour désigner le Marketing (si les marchés sont aussi des conversations le "Market" du mot Marketing n'a déjà plus le même sens...), à une revisite des fondements même de la discipline (démarche épistémologique) qui n'en n'est plus une car devenue trans/multi/discipline, et pervasive (continuum société-marché-client-personne/individu...).

Denis Failly


18:45 Écrit par Denis Henri Failly | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : denis failly, web2, marketing, self marketing, brand, branding | |  Facebook | | Pin it! |  Imprimer | | |