Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« fACT | Page d'accueil | Du B to C au H to H »

21 janvier 2005

Perspective(s) d'une prospective client

Publié en juillet 2004 sur Visionary Marketing

I - Prospective et Marketing
II - Des terrains de jeux à priori différents
III - Une dimension commune : la complexité
IV - Des attitudes stratégiques superposables
V - Le trio transdisciplinaire



I - Prospective et Marketing

« Indiscipline intellectuelle » (Pierre. Massé) la prospective[1] à pour objet d’anticiper pour agir en regardant loin, large et profond (Gaston Berger)
Il s’agit pour le prospectiviste d’éclairer l’action à la lumière des futurs possibles et souhaitables.
La question posée est de savoir si cette démarche globale, dont l’horizon de travail est le long terme, peut être transversale à d’autres disciplines et plus spécifiquement au marketing qui, à défaut d’en maitriser toutes les subtilités, peut s’en inspirer et en adopter certaines postures dans sa propre démarche cognitive centrée notamment sur l’acteur client.

La prospective qui s’interroge sur le « que peux t - il advenir ?» rencontre la stratégie et n’est pas incompatible avec le marketing (stratégique) lorsque elle s’interroge sur le « que puis-je faire ?», « que vais-je faire ?» et « comment le faire ? » (cf. Michel Godet)
Systémique, multi-dimensionnelle et trans-disciplinaire (cf. Pierre F.Gonod) la prospective n’est pas une science du futur et toute tentative d’assimilation à la prédiction est une imposture.
Il n’existe pas non plus de statistiques du futur mais un champs des possibles, scénarisables, probabilisables au même titre que la pratique de l’analyse de données client recourant aux méthodes de datamining (modélisation de données par apprentissage via réseaux de neurones, cartes de kohonen etc, par exemple).
On entrevoit ici certaines similitudes épistémologiques avec la démarche étude en marketing à partir de laquelle on peut extraire de la « connaissance client ».


II - Des terrains de jeux à priori différents

Mais les cas de prospectives, pour ceux dont on peut avoir connaissance (confidentialité oblige) sont souvent très « marqués » industrie, énergie, défense, territoires, transports, ou technologie, etc relevants de « macro structures » (grands groupes industriels, état, administrations, entreprises publiques...) qui possédent un pouvoir (quasi) régaliens où le client (voire plutôt l’usager) n’existe que comme la résultante d’un processus de production et non comme son générateur.
De plus il semblerait que certaines études prospectives commandées par les représentants de l’Etat servent de vivier pour les Politiques en panne et donc en quête de projets.
De fait dans les analyses, le client est quasi - inexistant ou considéré comme un simple acteur de la demande et résumé sour le terme « consommateur » au sens économique du terme et non marketing.
La perspective d’un client dynamique, complexe, proteïforme n’est donc pas intégré dans les analyses qui sont de ce point de vue quelque peu réductrices.

Ainsi donc à l’heure de la servuction[2], de l’hétérogéneïté des comportements et du zapping client à tout va, il serait aberrant de considérer que l’acteur Client est résiduel (peu influent et très dépendant sur le jeux des acteurs) sans (em)prise réelle.
Ne parle t - on pas d’ailleurs de plus en plus de « Part de client » en lieu et place de la classique « Part de marché » pour les entreprises « datavores ».
De plus dans le domaine des services et notamment « on line » le client devient co-producteur (prosumer) voir « auto – producteur » de biens dématérialisés, il est donc apte à bouleverser la donne sur un certain nombre de marchés (cf. p2p et industrie musicale par exemple).


III - Une dimension commune : la complexité

La difficulté liée à une plus grande valorisation du client en prospective nous ramène encore et toujours à la problématique constante d’une dimension variable : la complexité
En effet comme signalé dans un article précédent « De l’usage de la métaphore au service de la connaissance client » nous avions souligné, du moins rappelé en recourant notamment aux métaphores du chaos et de la physique quantique, le caractère complexe, insaissisable de l’entité client avec les outils d’études et d’analyses de données (connaissance client) actuels.
L’homme de marketing et d’études ainsi que le prospectiviste sont donc confrontés à une problématique commune qui est l’intégration de la complexité dans leurs réflexions, leurs démarches, leurs pratiques et leurs outils ou applications qui d’ailleurs par soucis de simplicité et d’appropriation demeurent assez déterministes et rationnels (cf. logiciel de prospective du type Mactor[3] par exemple....).

Plusieurs questions viennent alors à l’esprit :

faut-il des outils complexes pour aborder le complexe ou des outils simples, appropriables par tous avec le risque inhérent d’un certain réductionnisme ?
De façon subséquente à l’appropriation, la pratique de ces outils et méthodes doit-elle demeurer entre les mains des seuls experts ou utilisables par les collaborateurs internes à l’entreprise engagée dans une démarche prospective ?
Au vu du dilemne posé à la prospective par l’acteur client (influence croissante, dépendance plus que relative, complexité) et les nouveaux marchés (services, produits et processus dématérialisés...) une prospective client est - elle envisageable,
pertinente et souhaitable ?
Pour ce faire, il faudrait naturellement que chaque domaine d’expertise se connaisse et s’intéresse l’un à l’autre :

- l’un (le marketing) pour initier, alimenter et enrichir une culture des processus services et des clients auprès
des prospectivistes,
- l’autre (la prospective) pour apporter une (méta)vision plus englobante, plus multiple aussi (économique,
démographique,...) aux hommes de marketing dans leurs façons d’appréhender un marché (variables clés
indirectes, cachées ou acteurs dormants voire embryonnaires comme autant de germes annonciateurs de
futures tendances)


IV - Des attitudes stratégiques superposables

En reprenant les attitudes face à l’avenir proposés par Michel Godet (voir bibliographie) on peut mettre en regard les deux démarches marketing et prospective et envisager de façon incrémentale en quoi la démarche marketing peut, avec toutes les précautions nécessaires se calquer sur la démarche prospective.

Rappelons en premier lieu la dimension spatio-temporelle des deux disciplines :

- le temps long de la prospective (10, 15, 20 ans et plus), la vision globale, le chemin importe plus que le but, la
carte n’est pas le territoire.
- le temps court du marketing (du très court terme à 5 ans tout au plus) selon qu’il est stratégique ou
opérationnel, le résultat immédiat, mesurable, rentable.


Les attitudes face à l’avenir :

- La passivité : pas de scénarios, la stratégie au fil de l’eau, entretenir le système, se voiler la face.
- La réactivité: pas de scénarios, stratégie adaptative, attendre que les menaces externes se manifestent pour
réagir.
- La préactivité: scénarios exploratoires, stratégie préventive, envisager les changements et s’y préparer.
- La proactivité: scénarios anticipatifs, stratégie volontariste, anticiper les mutations, se donner les moyens et les
mettre en oeuvre.


V - Le trio transdisciplinaire

Pour parfaire cette approche multi – vues mutuellement appropriable de l’acteur client, un troisième homme nous semble indispensable : le sociologue
Si on le définit comme le décrypteur des faits sociaux et des mécanismes qui régissent les rapports entre les individus et un ou plusieurs groupes donnés, il devient incontournable pour appréhender les dimensions cachées du sujet social mouvant (à la fois individu, citoyen, consommateur...).
Par ses comportements et ses appartenances (tribus, groupes sociaux...), il influence le marché (au sens large) et est influencé par lui (rétro-action).
Dans les années 70 un groupe de « prospective sociale » n’ambitionnait - il pas de « hisser la prospective comme une branche de la sociologie de la connaissance » (cf. P. Gonod ).
Réunir ces trois compétences (marketing – études, prospective, sociologie) en une seule personne est assez rare si ce n’est auprès de certains « Planners stratégiques » , numériquement faibles (une quarantaine en France), et exercant principalement au sein des grandes agences de publicité.

A défaut de réponses définitives quant à la pertinence d’une prospective client, de fructueuses collaborations, nous semble t-il pourraient naître entre :

- les hommes de marketing / études, centrés sur le client, ses comportements (niveau local, « micro ») et les
marchés servis.
- les prospectivistes orientés de façon plus globale (« macro ») sur les jeux d’acteurs (objectifs, enjeux,
positions, relations) et le champ des possibles (que peut-il advenir ?, quels scénarios probables, vraisemblables,
souhaitables ?).

Enfin tout ce qui tend à relier, transversaliser, les hommes, les disciplines, les processus et les structures, pour aborder et intégrer le complexe ne peut être que productif et porteur d’avenir.


Denis FAILLY


[1] Prospective : Nous parlons dans le cas présent de la prospective « à la française » initié par Gaston Berger et Bertrand de Jouvenel (créateur de la revue Futuribles) enrichie, rendue lisible et appropriable par Michel GODET qui dirige au CNAM (Conservatoire des Arts et Métiers) le seul enseignement complet et diplômant en France,
consacrée à la discipline


[2] Le concept de servuction a été créé pour marquer un changement de référent dans la conception des services par rapport à la conception des produits. Longtemps prédominante dans l'économie des sociétés occidentales, la production de biens a généré une culture managériale et marketing particulièrement adaptée à la logique du secteur secondaire. Pour autant, la suprématie de ces approches ne conduit pas forcément à leur adéquation avec le secteur tertiaire ; celui des services. La montée en puissance de ce secteur (les trois quarts de l'économie française reposent dorénavant sur ce secteur) est donc l'occasion d'inventer de nouvelles approches mieux adaptées à des logiques différentes. Voir définition

[3] Mactor : sur les logiciels de prospective voir Prospective foresight pour Mactor voir aussi le site d'E. NEAU
Sur la méthode voir le LIPSOR (Michel GODET)


Quelques éléments bibliographiques :
Godet Michel : « De l’anticipation à l’action : manuel de prospective et de stratégie, 1991, Dunod »
Gonod P.F Dynamique des systèmes et méthodes prospectives, Travaux et Recherche de prospective, 1996 »

15:50 Écrit par Denis Henri Failly dans Prospective | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Prospective | |  Facebook | | Pin it! |  Imprimer | | |

Commentaires

J'avoue mon ignorance totale quand à la signification du concept de servuction...

Écrit par : Stéphane Bayle | 25 janvier 2005

Pour la servuction, voire note [2] de l'article et le lien en référence

Écrit par : Denis | 25 janvier 2005

Bonjour,
j'aime beaucoup votre blog et l'angle sous lequel vous approchez la démarche marketing et analytique,
si vous m'y autorisez, je vais référencer votre blog sur le nôtre.

Philippe Amram
quartilem.blogspirit.com
Entraînement à la Gestion des Crises

Écrit par : Philippe AMRAM | 16 février 2005

Les commentaires sont fermés.